« Depuis 2014, Fatima Mazmouz analyse les rouages au cœur de la mécanique du « corps colonial » à travers le projet Casablanca, mon amour (Dar el Beida, Hobe…) scrutant ainsi le ventre de la ville sous ses facettes les plus singulières…
Révéler, réparer la mémoire à travers la survivance des mémoires revisitées du corps coloniale de Casablanca est le propre du projet Bouzbir qui traite du quartier réservé de Casablanca, du nom de « Bousbir », déformation de Prosper Ferrieu, spéculateur immobilier. A partir de 1920, appelé aussi la nouvelle ville indigène, situé dans le Houbous, « Bousbir » devient le quartier assigné à l’armée française, réservé à la prostitution et l’exploitation des mineures marocaines. Petit à petit, ce quartier deviendra pour les étrangers touristes, un lieu de passage incontournable.
Bouzbir regroupe donc une vingtaine de photographies issus de cartes postales coloniales ou de photographies de cette époque, utilisées à des fins de propagande mise en place pour asseoir l’action coloniale, celle -ci s’effectuant par la voie de la domination militaire, économique et … culturelle via l’exploitation de la sexualité qui devient un enjeu de pouvoir.
Ces images sont retravaillées à partir d’une trame composée d’utérus malades ou de vulves.
Les utérus malades caractérisent les matrices criminelles et immorales du colonialisme voir par extension celles d’un capitalisme dévastateur toujours plus avide de spéculation au détriment de l’exploitation humaine.
Les vulves exprimant la sexualité, deviennent le territoire d’un enjeu de pouvoir : des vulves expression de l’articulation sexualité/domination de l’intime/domination de l’espace du politique.
L’usage du document historique est capital dans la volonté de créer (accepter) un patrimoine visuel jusqu’alors inexistant dans cette conscience historique habitée par la rupture et la violence. En retravaillant les photographies de cette histoire coloniale, Fatima Mazmouz sort du silence toute une mémoire atrophiée qui par l’intervention artistique raconte l’Histoire portant la trace de ces préjudices.
Ainsi Bouzbir via l’action artistique participe à cimenter un « corps mémoire » à la ville de Casablanca ouvrant la voie à la résilience et offrant à une production artistique enfermée dans un conflit historique, la possibilité de s’inscrire dans une Histoire de la photographie locale, globale, mondiale et … contemporaine. »
« Extrait de Casablanca, mon amour/Dar al Baida Hobe – 2014